
La douleur tendineuse s’invite quand on s’y attend le moins : un coude qui crie après un service un peu trop appuyé, un tendon d’Achille qui râle au lever, une épaule qui pince à chaque geste au-dessus de la tête. La promesse de la chiropraxie est tentante : moins de douleur, plus de mobilité, un retour au sport sans traîner des semaines de galère. Bonne nouvelle : oui, la chiropraxie peut aider. Mais pas seule, pas n’importe comment, et pas pour tous les cas.
Je vis à Rennes et je vois chaque semaine des coureurs le long de la Vilaine qui se battent avec une tendinite d’Achille. J’en ai été. J’ai appris deux choses : ce qui compte, c’est la charge bien dosée et la régularité. Les techniques manuelles donnent souvent un coup de pouce au bon moment, surtout quand elles s’intègrent à un plan d’exercices simple et mesurable.
- La chiropraxie soulage surtout à court terme (douleur, raideur) et facilite la reprise des exercices ciblés.
- Le cœur du traitement d’une tendinite : progression du chargement (isométriques → excentriques → pliométrie), 8-12 semaines minimum.
- Risques faibles si évaluation sérieuse ; évitez les soins 100 % passifs ou les manipulations « à la chaîne » sans suivi des charges.
- Quand consulter un médecin : douleur nocturne croissante, perte de force brutale, fièvre, chute récente, prise de fluoroquinolones.
- En France, la chiropraxie n’est pas remboursée par la Sécu ; de nombreuses mutuelles remboursent partiellement.
Ce que la chiropraxie peut (et ne peut pas) faire contre la tendinite
On parle beaucoup de « chiropraxie tendinite » sur les moteurs de recherche, et le sujet mérite d’être clarifié. Les tendinopathies (épicondylite dite tennis elbow, tendinopathie d’Achille, coiffe des rotateurs, patellaire) réagissent bien à un traitement centré sur la charge et le mouvement. Les techniques manuelles, dont celles de la chiropraxie, ont surtout un rôle de catalyseur : elles diminuent la douleur à court terme, redonnent un peu de mobilité, et rendent les exercices plus tolérables.
Ce que disent les meilleures sources :
- Les lignes directrices JOSPT (Achille 2018, coiffe 2022, coude 2020) placent la progression de charge en premier. Les techniques manuelles peuvent ajouter un bénéfice rapide sur la douleur et l’amplitude, mais l’effet est modéré et transitoire.
- Des revues Cochrane et BMJ sur l’épicondylite et les tendinopathies soulignent des gains modestes à court terme avec les thérapies manuelles, plus nets quand elles accompagnent un programme d’exercices bien dosé.
- Le consensus ICON sur la tendinopathie (2019-2022) répète : charge progressive et éducation du patient sont non négociables ; les adjuvants (manipulations, mobilisations, friction, IASTM) s’ajoutent si cela améliore la tolérance au plan d’exercices.
- En France, le rapport INSERM sur les thérapies manuelles rappelle l’intérêt potentiel sur la douleur et le mouvement, tout en insistant sur l’importance d’un diagnostic différentiel et d’un suivi objectif.
Comment la chiropraxie peut aider concrètement :
- Douleur et inhibition : mobilisations articulaires, manipulations ciblées, travail des tissus mous (IASTM, trigger points) réduisent la douleur perçue pendant quelques heures à quelques jours. Ce créneau sert à lancer les exercices.
- Mécanique de la chaîne : une cheville raide, une hanche qui manque de contrôle, une scapula paresseuse chargent trop un tendon. Un chiropracteur peut corriger ces maillons faibles par des mobilisations et des exercices correctifs.
- Éducation et dosage de charge : décider quand diminuer, maintenir ou augmenter la charge fait souvent toute la différence. Un suivi hebdomadaire clarifie ce dosage.
Ce que la chiropraxie ne fait pas :
- Elle ne « répare » un tendon usé ni ne remplace un protocole d’exercices progressif. Sans travail de charge, l’effet reste court.
- Elle ne justifie pas des manipulations systématiques de la colonne « juste pour ». On manipule si c’est utile au mouvement et à la douleur, point.
- Elle ne traite pas les urgences : rupture tendineuse suspectée, infection, douleur thoracique, déficit neurologique aigu → médecin ou urgences.
Erreurs fréquentes à éviter :
- Tout miser sur le passif : si vos séances ressemblent à « on appuie, on craque, à la semaine prochaine » sans plan d’exercices, changez de cap.
- Griller les étapes : passer aux pliométries alors que les isométriques ne sont pas tolérées augmente le risque de rechute.
- Ignorer les médicaments récents : les fluoroquinolones augmentent le risque de rupture tendineuse ; signalez-les.
Anecdote rapide : après une poussée d’Achille, j’ai repris la course à Rennes par blocs de 5 minutes, avec isométriques de mollet (5×45 s), puis excentriques sur marche (3×15/j). Deux ajustements de cheville et des mobilisations de hanche ont baissé la douleur sous 3/10 : assez pour faire le job. Ce n’est pas magique ; c’est du tempo et de la méthode. Nougat, mon chat, s’en fiche, mais moi pas.
Condition | Intervention | Gain douleur 2-4 sem. | Retour à l’activité | Qualité des preuves | Sources |
---|---|---|---|---|---|
Épicondylite (tennis elbow) | Manuelles + exercices | 15-30 % (court terme) | 2-6 sem. selon charge | Modérée | Cochrane, JOSPT |
Tendinopathie d’Achille | Excentriques progressifs | 20-40 % | 6-12 sem. | Élevée | JOSPT 2018 |
Tendinopathie d’Achille | Manuelles (adjuvant) | 10-20 % | + tolérance aux exos | Faible à modérée | BMJ, ICON |
Coiffe des rotateurs | Exos + mobilisations | 15-30 % | 6-12 sem. | Modérée | JOSPT 2022 |
Repos/gel seul | Sans adaptation de charge | 5-15 % | Risque de chronicité | Faible | ICON |
Note : chiffres indicatifs, variables selon l’âge, le sommeil, la charge et l’ancienneté des symptômes. Les pourcentages décrivent des tendances moyennes, pas une garantie.

Plan d’action pas à pas : séances, exercices et charge
Objectif : baisser la douleur assez pour charger le tendon, puis remonter le niveau sans rechute. Voici un plan simple, adaptable avec un chiropracteur formé aux tendinopathies.
Évaluer et trier (jour 0)
- Red flags : douleur nocturne croissante, fièvre, déformation, perte de force brutale, engourdissements persistants, chute ou choc récent, prise de fluoroquinolones → médecin.
- Mesures de base : score douleur (0-10), amplitude (ex. main sur tête pour l’épaule), tests simples (squeeze test Achille, test de préhension pour épicondylite), activités limitées (ex. courir 10 min, porter un pack d’eau).
Phase antalgique et tolérance (semaines 0-2)
- Exercices isométriques : 5 × 45 s à 70 % d’effort, 1-2 fois/j (mollet debout, prise de poignet contre résistance, abduction épaule avec sangle). Douleur cible pendant l’exercice ≤ 4/10 et retour à la ligne de base en 24 h.
- Chiropraxie : mobilisations des articulations voisines (cheville, hanche, rachis thoracique pour l’épaule), techniques des tissus mous, éventuellement un ajustement si un blocage limite le geste.
- Charge : réduire de 30-50 % l’activité qui déclenche la douleur (courir moins longtemps, raquette plus légère, moins de gestes au-dessus de la tête). Garder du mouvement quotidien (marche, vélo doux).
- Douleur au repos : viser ≤ 3/10 la majorité du temps.
Phase de reconstruction (semaines 2-6)
- Excentriques/concentriques lents : 3 × 15 par jour (Achille : descente lente sur marche ; épicondylite : extension de poignet avec haltère en excentrique ; épaule : élévations scapulaires et rotations externes avec élastique).
- Progression : ajouter 2-5 % de charge par semaine si douleur ≤ 4/10 pendant, et si retour à la ligne de base en 24-36 h.
- Vitesse : tempo 3-4 s en excentrique, 1-2 s en concentrique.
- Fréquence : 3-5 jours/semaine, repos relatif 24-48 h entre séances plus chargées.
- Chiropraxie : interventions ciblées si la douleur ou la raideur bloque la progression (pas en automatique).
Phase de performance (semaines 6-12)
- Retour aux contraintes spécifiques : sauts légers/pliométrie (Achille), frappes progressives (coude), port de charges au-dessus de la tête (épaule).
- Test de sortie : douleur quotidienne ≤ 2/10, force symétrique ≥ 90 % par rapport au côté sain, 2 semaines sans hausse de douleur après les séances clés.
Éducation et sommeil
- Sommeil 7-8 h, protéines 1,2-1,6 g/kg/j si charge élevée, hydratation : ces facteurs accélèrent la récupération.
- Glace/chaud : utilisez si ça aide, sans compter dessus pour guérir.
Escalade prudente si blocage
- Après 6-8 semaines sans progrès : discuter ondes de choc pour tendinopathies chroniques (Achille, patellaire), avis imagerie si suspicion de lésion importante.
- Infiltrations : parfois utiles sur des douleurs rebelles, mais à peser face au risque de fragiliser le tendon, surtout avec corticoïdes.
Règles de pouce rapides :
- La douleur est une boussole, pas une sirène : 0-4/10 tolérable pendant l’exercice si elle revient à la base le lendemain.
- Si la douleur monte > 2 points et dure > 48 h, baissez la charge de 30-50 % et revenez à l’étape précédente.
- Pas de « no pain, no gain » sur un tendon : on charge, on observe, on ajuste.
Checklists utiles :
Avant de prendre rendez-vous
- Votre douleur descend-elle sous 4/10 au repos ?
- Des signes d’alerte ? Si oui, médecin d’abord.
- Objectif clair : reprendre la course ? Porter votre enfant sans douleur ? Écrire-le.
- Prenez un praticien qui mesure les progrès (douleur, force, amplitude) et qui vous donne un programme d’exercices écrit.
Après la séance
- Notez : douleur avant/après, exercice toléré, ce qui déclenche les pics.
- Programme envoyé par écrit (vidéos si possible) : oui/non ?
- Plan sur 4 semaines avec critères de progression : oui/non ?

Outils pratiques : exemples, checklists, FAQ et prochaines étapes
Exemples concrets
- Coureur, 38 ans, tendinopathie d’Achille moyenne : semaine 1-2 : isométriques mollet 5×45 s, marche active, course fractionnée 3×5 min facile. Semaine 3-6 : excentriques 3×15/j, course 3×/sem avec progression 10 %/sem, mobilisations de cheville en cabinet si raideur. Semaine 7-10 : pliométrie légère (sauts corde 2×/sem), test : 5 km sans douleur > 2/10.
- Joueur de tennis loisir, épicondylite : semaine 1-2 : isométriques poignet + grip plus épais, mobilisations coude/épaule. Semaine 3-6 : excentrique extension poignet 3×15/j, reprise tennis 2×/sem à 60-70 % d’intensité. Ajustement possible du rachis thoracique si limitation à la rotation. Objectif : service complet semaine 6-8.
- Employée de bureau, 46 ans, coiffe des rotateurs : semaine 1-2 : isométriques en rotation externe, posture thoracique (mobilisations, extension). Semaine 3-6 : renforcement scapulo-huméral avec élastiques, mouvements au-dessus de la tête progressifs, éducation sur les charges du quotidien. Cible : lever 5 kg au-dessus de la tête, 3 séries sans douleur > 3/10.
Mini-FAQ
- La chiropraxie est-elle « suffisante » pour une tendinite ? Non. Elle aide, mais c’est l’entraînement dosé qui répare la capacité du tendon.
- Combien de séances ? Souvent 3-6 séances réparties sur 6-10 semaines, avec autonomie croissante. Le nombre baisse si vous êtes régulier sur les exercices.
- Manipulations à haute vélocité : utiles ? Parfois, si un blocage mécanique freine un geste clé. Ce n’est pas obligatoire ni systématique.
- Et les ondes de choc ? Intéressantes sur tendinopathies chroniques (Achille, patellaire, grand trochanter) si les exercices seuls stagnent après 6-8 semaines.
- Différence avec la kiné ? En France, les kinés pilotent très bien la charge et la rééducation. Un chiropracteur formé aux tendinopathies peut proposer un suivi proche. L’important, c’est la méthode et le plan, pas l’étiquette.
- Coût et remboursement ? 50-80 € selon la ville ; la Sécurité sociale ne rembourse pas la chiropraxie. Beaucoup de mutuelles offrent 2-5 actes/an (20-40 € remboursés par séance).
- Quand imager ? Après 6-12 semaines d’échec de prise en charge bien conduite, ou si suspicion de rupture/déchirure importante.
- Sport pendant la douleur ? Oui, à intensité adaptée. Visez une douleur pendant/juste après ≤ 4/10 et retour à la base en 24-36 h.
Décision rapide : que faire cette semaine ?
- Douleur > 6/10 au repos ou la nuit ? Médecin pour triage.
- Douleur 3-5/10, récente (< 6 sem.) ? Démarrez isométriques + baisse de charge de 30-50 % + 1 séance de chiropraxie pour mobilités ciblées.
- Douleur chronique (> 3 mois) ? Plan 8-12 semaines avec excentriques lents, corrections de chaîne, suivi bi-hebdo au début. Revoir sommeil/stress.
Pro tips
- Tenir un journal simple : date, exercice, charge, douleur avant/après, sommeil. Les décisions deviennent évidentes.
- Tempo lent = plus d’effet avec moins de charge. Comptez à voix haute : 3-4 s à la descente.
- Si un exercice pique trop, gardez l’angle mais baissez l’amplitude ou la vitesse avant de baisser le poids.
Pièges à éviter
- Changer d’exercice chaque semaine : un tendon aime la répétition progressive, pas la variété permanente.
- Sauter l’échauffement : 5 minutes suffisent, mais elles font la différence.
- Tout arrêter dès qu’il y a 3/10 de douleur : vous perdez les adaptations utiles.
Choisir un bon praticien en France
- Formation reconnue (IFEC ou équivalent), enregistrement (numéro ADELI), expérience en pathologies musculo-squelettiques.
- Premier rendez-vous ≥ 30-40 min avec anamnèse, tests, objectifs et plan écrit.
- Mesures suivies au fil des semaines : douleur, force, amplitude, objectifs d’activité.
Quand adresser/consulter autrement
- Suspicion de rupture (claquement, perte de force, déformation) : imagerie/orthopédie.
- Douleurs inflammatoires diffuses, fièvre, perte de poids inexpliquée : médecine générale/rhumatologie.
- Après 8 semaines sans progrès malgré bonne observance : avis kiné du sport, ondes de choc, imagerie.
Prochaines étapes (guidage simple)
- Fixez votre objectif concret (ex. recourir 30 min, jouer 2 sets sans douleur > 3/10, porter 10 kg au-dessus de la tête).
- Mesurez votre point de départ (douleur, force, amplitude, activité tolérée).
- Programmez 2 semaines d’isométriques + baisse de charge, puis 4-6 semaines d’excentriques lents.
- Planifiez 3 rendez-vous espacé toutes les 2 semaines pour ajuster et relancer si besoin.
- Réévaluez à 6-8 semaines : si progrès net, continuez ; si plateau, ajoutez une option (ondes de choc, révision du dosage, imagerie).
Dernier mot pragmatique : la chiropraxie peut être l’alliée qui rend vos exercices faisables et efficaces. Cherchez un praticien qui vous met en mouvement, pas un protocole qui vous laisse passif. Un tendon bien chargé et bien coaché pardonne beaucoup ; un tendon sous-chargé ou mal dosé ne pardonne rien.
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