Hyponatrémie induite par les ISRS : risque d'hyponatrémie et de confusion chez les personnes âgées

Hyponatrémie induite par les ISRS : risque d'hyponatrémie et de confusion chez les personnes âgées

Quand on commence un traitement contre la dépression, on pense à l’humeur, au sommeil, à l’énergie. On ne pense pas au sodium. Pourtant, les ISRS - ces antidépresseurs très répandus - peuvent provoquer une baisse dangereuse du sodium dans le sang, avec des conséquences graves : confusion, étourdissements, chutes, voire coma. Ce n’est pas une rareté. C’est un risque bien réel, surtout pour les personnes âgées.

Qu’est-ce que l’hyponatrémie ?

L’hyponatrémie, c’est quand le taux de sodium dans le sang tombe en dessous de 135 mmol/L. Le sodium est essentiel pour réguler l’équilibre des fluides, la pression artérielle et le fonctionnement des nerfs et des muscles. Quand il chute trop, l’eau entre en excès dans les cellules, y compris celles du cerveau. Résultat ? Le cerveau enflé, même légèrement, provoque des symptômes neurologiques : nausées, maux de tête, fatigue, confusion, désorientation. Dans les cas sévères - quand le sodium descend sous 125 mmol/L - cela peut entraîner des convulsions, un coma, ou même la mort.

Ce n’est pas un effet secondaire rare. Selon une méta-analyse de 2024 publiée dans European Psychiatry, environ 1,9 à 4,4 % des patients sous ISRS développent une hyponatrémie. Mais chez les personnes de plus de 65 ans, ce chiffre grimpe à 13,9 %, voire 18,6 %. Pour un patient âgé, c’est comme avoir une chance sur cinq de voir son sodium tomber dangereusement bas après avoir commencé un antidépresseur.

Comment les ISRS font-ils baisser le sodium ?

Les ISRS agissent en augmentant la sérotonine dans le cerveau. C’est ce qui améliore l’humeur. Mais cette même sérotonine stimule aussi des récepteurs dans l’hypothalamus, une zone du cerveau qui contrôle la libération de l’hormone antidiurétique (ADH). Quand l’ADH est trop produite, les reins retiennent l’eau au lieu de l’éliminer. L’eau s’accumule, le sodium se dilue. C’est ce qu’on appelle le syndrome de sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique (SIADH).

Certaines molécules sont plus à risque que d’autres. Le citalopram a le plus fort lien avec l’hyponatrémie (risque multiplié par 2,37), suivi du sertraline (x2,15), de la fluoxétine (x1,98) et de la paroxétine (x1,82). Ce n’est pas une question de dose uniquement : c’est la puissance de la molécule à se lier au transporteur de la sérotonine qui compte. Plus elle est forte, plus le risque est élevé.

Qui est le plus à risque ?

Le risque ne touche pas tout le monde de la même façon. Voici les facteurs qui multiplient les chances d’hyponatrémie :

  • Âge > 65 ans : risque 3,7 fois plus élevé
  • Femmes : 65 % des cas concernent des femmes
  • Poids faible (< 60 kg)
  • Problèmes rénaux (clairance de la créatinine < 60 mL/min)
  • Prise simultanée de diurétiques, surtout les thiazidiques : risque multiplié par 4,2
  • Augmentation rapide de la dose d’ISRS

Un patient âgé, diabétique, sous diurétique, qui débute un traitement par citalopram, est dans la zone rouge. Pourtant, trop souvent, ce risque est ignoré. Seulement 28,7 % des patients déclarent avoir été informés de ce danger avant de commencer leur traitement.

Un patient âgé à l&#039;hôpital, avec un moniteur affichant un sodium critique, entouré de visages flottants de confusion.

Les symptômes : confondus avec la démence

Dans les personnes âgées, les premiers signes - confusion, perte d’équilibre, somnolence - sont souvent attribués à la démence, au vieillissement normal, ou à une infection urinaire. Le diagnostic est retardé en moyenne de 7,2 jours. Pendant ce temps, le sodium continue de chuter.

Un cas rapporté en 2022 décrit une femme de 78 ans qui, dix jours après avoir commencé le sertraline, est entrée en soins intensifs avec un sodium à 118 mmol/L. Elle était totalement désorientée, ne reconnaissait plus sa famille. Un autre cas, partagé sur Reddit par un aidant familial, raconte comment sa mère de 82 ans, après deux semaines de citalopram, est devenue « complètement perdue », avec un sodium à 122 mmol/L. Elle a dû être hospitalisée. Le traitement a été arrêté. Elle a mis quatre jours à se rétablir.

La confusion n’est pas une « mauvaise journée ». C’est un signal d’alarme. Et il faut le voir avant qu’il ne soit trop tard.

Les alternatives plus sûres

Tous les antidépresseurs ne sont pas égaux en matière de risque. Les ISRS sont les plus dangereux. Mais d’autres options existent.

La mirtazapine, un antidépresseur atypique, présente un risque 2,86 fois plus faible que les ISRS. En fait, elle est associée à un risque 53 % plus faible que la moyenne. Pour les patients âgés, elle est souvent la meilleure alternative. Elle n’augmente pas la sérotonine de la même façon, donc elle ne déclenche pas le SIADH. Les données montrent que pour 1 000 patients traités, 18,6 développeront une hyponatrémie avec un ISRS, contre seulement 6,5 avec la mirtazapine.

Le bupropion (Wellbutrin) est aussi une option plus sûre, avec un risque légèrement inférieur à la moyenne. Les SNRIs comme la venlafaxine ou la duloxétine présentent un risque modéré - moins élevé que les ISRS, mais plus élevé que la mirtazapine. Les antidépresseurs tricycliques comme l’amitriptyline sont aussi à risque, mais moins que les ISRS.

En 2023, l’American Geriatrics Society a mis à jour ses critères Beers, et a classé les ISRS comme « médicaments potentiellement inappropriés » chez les personnes âgées. Elle recommande explicitement la mirtazapine ou le bupropion comme premiers choix pour les patients à risque.

Comment prévenir et surveiller ?

La prévention est simple, mais trop souvent négligée. Voici ce qu’il faut faire :

  1. Avant de commencer un ISRS : faire une prise de sang pour mesurer le sodium.
  2. Refaire la prise de sang 2 semaines après le début du traitement, ou après toute augmentation de dose.
  3. Pour les patients à haut risque (âgés, diurétiques, insuffisance rénale) : surveiller le sodium une fois par mois pendant les 3 premiers mois.

Les directives de l’American Psychiatric Association (2023) le recommandent clairement. Pourtant, 63,4 % des médecins généralistes ne savent pas que le risque apparaît typiquement entre la 2e et la 4e semaine de traitement. Beaucoup pensent que c’est un effet immédiat, ou qu’il ne se produit qu’avec des doses élevées. Ce n’est pas vrai.

Deux scènes contrastées : une prescription risquée et une alternative sûre, symbolisées par une fleur qui fleurit ou se flétrit.

Que faire si le sodium est bas ?

Si le sodium est entre 125 et 134 mmol/L (cas léger à modéré) :

  • Arrêter l’ISRS immédiatement.
  • Restreindre la consommation d’eau à 800-1000 mL par jour.
  • Le sodium revient généralement à la normale en 72 à 96 heures.

Si le sodium est en dessous de 125 mmol/L (cas sévère) :

  • Hospitalisation obligatoire.
  • Administration d’une solution saline hypertonique (3 %) par perfusion, très lentement.
  • Ne pas augmenter le sodium de plus de 6 à 8 mmol/L en 24 heures - sinon, on risque une lésion cérébrale irréversible appelée syndrome de démyélinisation osmotique.

La rapidité de la correction est aussi dangereuse que la lenteur. C’est un équilibre délicat. Seul un hôpital peut le gérer en toute sécurité.

Un coût humain et financier

L’hyponatrémie induite par les ISRS coûte 1,27 milliard de dollars par an aux États-Unis - dont 892 millions pour les hospitalisations. Ce n’est pas juste une question de santé. C’est aussi une question d’efficacité du système. Des patients âgés qui tombent, se fracturent, restent hospitalisés des semaines, perdent leur autonomie - tout cela pourrait être évité avec un simple test de sodium avant et deux semaines après le début du traitement.

Entre 2018 et 2023, la prescription d’ISRS chez les plus de 65 ans a baissé de 22,3 %. En parallèle, les prescriptions de mirtazapine ont augmenté de 34,7 %. C’est une tendance positive. Les médecins commencent à écouter les données.

Le mot de la fin

Les ISRS aident des millions de personnes à sortir de la dépression. Ce n’est pas un problème de médicament, c’est un problème de gestion. Le risque d’hyponatrémie n’est pas une théorie. C’est une réalité clinique, bien documentée, et parfaitement évitable.

Si vous ou un proche êtes âgé, ou prenez un diurétique, ou avez des problèmes rénaux : demandez avant de commencer un ISRS - « Est-ce que je dois faire un test de sodium ? »

Si vous avez déjà commencé le traitement et que vous ressentez une confusion, une fatigue inhabituelle, ou des étourdissements - ne l’ignorez pas. Faites vérifier votre sodium. Votre cerveau ne peut pas attendre.

La dépression est grave. Mais l’hyponatrémie peut être mortelle. La bonne nouvelle ? On peut la voir venir. Il suffit de regarder.

L’hyponatrémie peut-elle survenir même avec une faible dose d’ISRS ?

Oui. La dose n’est pas le facteur principal. C’est la puissance de la molécule à stimuler la sérotonine, et la sensibilité du patient. Même à 10 mg de citalopram, un patient âgé avec un problème rénal peut développer une hyponatrémie. Ce n’est pas une question de « trop fort », mais de « trop sensible ».

La mirtazapine est-elle aussi efficace que les ISRS pour la dépression ?

Oui, pour la plupart des cas de dépression, surtout chez les personnes âgées. La mirtazapine agit sur deux systèmes : la sérotonine et la noradrénaline. Elle améliore l’humeur, le sommeil et l’appétit - ce qui est souvent un plus chez les personnes âgées qui perdent du poids. Elle est moins efficace que les ISRS pour les troubles anxieux sévères, mais pour la dépression pure, elle est tout aussi efficace, avec bien moins de risques.

Combien de temps faut-il pour que le sodium revienne à la normale après l’arrêt de l’ISRS ?

Dans les cas légers, le sodium revient à la normale en 3 à 4 jours après l’arrêt du médicament et une restriction hydrique. Dans les cas sévères, cela peut prendre jusqu’à 7 jours, surtout si une hospitalisation et une perfusion sont nécessaires. La confusion peut mettre plus de temps à disparaître - parfois jusqu’à 10 jours - même après que le sodium est revenu à la normale.

Faut-il faire un test de sodium avant chaque nouveau traitement antidépresseur ?

Oui, si vous avez plus de 65 ans, si vous prenez un diurétique, ou si vous avez une maladie rénale. Même si vous avez déjà pris un antidépresseur sans problème, chaque nouveau traitement est un nouveau risque. Les facteurs de risque peuvent changer : un rein qui ralentit, un nouveau diurétique, une perte de poids. La règle est simple : pas de test, pas de traitement.

Les ISRS sont-ils interdits chez les personnes âgées ?

Non, ils ne sont pas interdits. Mais ils ne doivent plus être la première option. Les recommandations actuelles disent : « Utilisez la mirtazapine ou le bupropion en premier. » Les ISRS restent une option si les autres échouent, mais seulement après un test de sodium, une surveillance stricte, et une information claire du patient. Ce n’est pas une interdiction - c’est une précaution.

Commentaires (1)

  • manon bernard

    manon bernard

    Je suis infirmière en EHPAD et je vois ça tous les jours. Une vieille dame qui devient « étrange » après un nouveau traitement, on pense à la démence, mais c’est juste le sodium qui s’effondre. On devrait faire un bilan sanguin avant même de poser un cachet. C’est pas compliqué.
    Et pourtant, on attend que ça parte en couille.

    novembre 25, 2025 AT 15:36

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