Sclérose latérale amyotrophique : dégénérescence progressive et riluzole

Sclérose latérale amyotrophique : dégénérescence progressive et riluzole

La sclérose latérale amyotrophique (SLA), aussi appelée maladie de Lou Gehrig, est une maladie neurodégénérative qui détruit progressivement les neurones moteurs du cerveau et de la moelle épinière. Ces cellules contrôlent les mouvements volontaires - marcher, parler, avaler, respirer. Quand elles meurent, les muscles s’affaiblissent, se paralysent, puis atrophient. Il n’y a pas de guérison. La plupart des personnes atteintes vivent entre 3 et 5 ans après le diagnostic. Mais il existe un traitement : le riluzole.

Comment le riluzole agit-il sur la SLA ?

Le riluzole n’arrête pas la SLA. Il ne la guérit pas. Mais il ralentit légèrement sa progression. C’est la première molécule approuvée pour cette maladie, en 1995 aux États-Unis et en 1996 en Europe. Depuis, pendant plus de vingt ans, c’était le seul traitement disponible. Même aujourd’hui, avec de nouvelles options, il reste le plus prescrit au monde.

Le riluzole agit sur un processus toxique appelé excitotoxicité glutamatergique. Dans la SLA, les neurones libèrent trop de glutamate, un neurotransmetteur essentiel - mais en excès, il devient un poison. Il surstimule les récepteurs des cellules nerveuses, les brûlant de l’intérieur. Le riluzole bloque cette surcharge : il réduit la libération de glutamate, inhibe certains canaux sodium impliqués dans sa libération, et atténue les effets du glutamate sur les récepteurs NMDA. C’est comme éteindre un feu qui brûle les neurones de manière silencieuse.

Le mécanisme exact n’est pas encore totalement compris. Des essais avec d’autres molécules ciblant le glutamate ont échoué. Cela suggère que le riluzole agit peut-être sur plusieurs voies à la fois - une particularité qui le rend unique, même s’il n’est pas parfait.

Quels sont les effets réels du riluzole ?

Les chiffres sont modestes, mais significatifs. Dans les essais cliniques, le riluzole prolonge la survie de 2 à 3 mois en moyenne. Cela peut sembler peu face à une maladie mortelle. Mais dans ce contexte, chaque semaine compte. Il réduit aussi de 35 à 39 % le risque de décès ou de trachéotomie après 18 mois. Pour beaucoup, cela signifie plus de temps pour parler à leurs proches, voir leurs enfants grandir, terminer un projet.

Les études réelles montrent des résultats plus variés. Certaines rapportent une extension de survie de 6 à 19 mois, d’autres ne voient aucun bénéfice. Pourquoi cette différence ? Parce que la SLA n’est pas la même chez tout le monde. Certains patients progressent lentement, d’autres très vite. Le riluzole semble mieux fonctionner chez ceux dont la maladie évolue de manière modérée. Il ne change pas tout, mais il peut changer la trajectoire.

Comment prend-on le riluzole ?

La dose standard est de 100 mg par jour, en deux prises de 50 mg. On commence souvent à 50 mg par jour pendant une semaine pour laisser le corps s’adapter, puis on augmente. Le médicament est absorbé à environ 60 % par l’organisme. Son effet dure entre 7 et 15 heures, ce qui justifie la prise deux fois par jour.

Il existe trois formes : des comprimés (Rilutek), une suspension orale (Tiglutik), et un film oral (Exservan). Le film est plus récent : il se dissout sur la langue, sans eau. Il cause moins de nausées et est plus facile à prendre pour les patients qui ont des difficultés à avaler - un problème courant dans la SLA avancée.

La prise doit être régulière. Oublier une dose peut faire chuter le taux dans le sang. Et il faut surveiller le foie. Le riluzole peut augmenter les enzymes hépatiques. Avant de commencer, un bilan sanguin est obligatoire. Puis, chaque mois pendant les trois premiers mois, et ensuite tous les trois mois. Si les enzymes montent trop haut, on arrête le traitement.

Quels sont les effets secondaires ?

Les effets secondaires sont fréquents, mais souvent gérables. 25 % des patients ont des nausées, 15 % de la diarrhée. 20 % se sentent fatigués. 12 % voient leurs enzymes hépatiques augmenter. Environ 8 % arrêtent le traitement parce que les effets sont trop désagréables.

Les nausées sont souvent pires au début. Beaucoup les surmontent en prenant le médicament avec de la nourriture. Certains utilisent des antiémétiques légers pendant les premières semaines. La fatigue peut être confuse : est-ce la maladie, ou le médicament ? C’est souvent les deux.

Le riluzole interagit avec d’autres substances. La caféine ralentit son élimination - boire beaucoup de café ou de thé peut augmenter son effet et ses effets secondaires. Le théophylline (un médicament pour l’asthme) peut devenir toxique en combinaison. Il faut toujours informer son médecin de tous les médicaments ou suppléments pris.

Patient prenant un film de riluzole au bord d'une fenêtre, la lumière du matin éclaire ses mains, des souvenirs flous flottent autour.

Qui ne doit pas prendre le riluzole ?

Les personnes avec une insuffisance hépatique modérée à sévère (classe B ou C de Child-Pugh) ne doivent pas le prendre. Le foie ne peut pas le métaboliser correctement, et le risque de toxicité devient trop élevé. Les patients avec une insuffisance rénale peuvent le prendre sans ajustement - les reins n’ont pas un rôle majeur dans son élimination.

Il n’y a pas de contre-indication absolue pour les femmes enceintes, mais les données sont limitées. On l’utilise seulement si les bénéfices potentiels l’emportent sur les risques. Pour les enfants, il n’est pas approuvé - la SLA est extrêmement rare chez les jeunes.

Le riluzole face aux nouveaux traitements

Depuis 2017, d’autres traitements sont arrivés. Edaravone, par exemple, ralentit la perte de fonction chez certains patients, mais ne prolonge pas la survie. En 2023, tofersen a été approuvé pour les patients ayant une mutation du gène SOD1 - environ 2 % des cas de SLA. C’est une thérapie génique ciblée, administrée par injection dans la moelle épinière. Coûteuse, complexe, réservée à un petit groupe.

Le riluzole, lui, reste accessible, oral, et prescrit à 80-85 % des patients en Amérique du Nord et en Europe. Même si les nouveaux traitements sont prometteurs, ils ne remplacent pas le riluzole. Ils le complètent. Des recherches en cours testent des combinaisons : riluzole + sodium phenylbutyrate, par exemple. Les premiers résultats pourraient arriver en 2024.

Les experts sont unanimes : le riluzole n’est pas une solution miracle. Mais dans une maladie sans cure, c’est un outil précieux. Comme le dit un neurologue de l’Université Columbia : « Deux à trois mois, c’est peu. Mais quand vous savez que vous n’avez que six mois à vivre, deux mois supplémentaires, c’est deux mois pour dire ce qu’il faut dire. »

Le vécu des patients

Sur les forums de patients, les témoignages sont variés. Certains disent : « J’ai pris le riluzole pendant deux ans. Mes bras ont continué à bouger plus longtemps. Je n’ai pas eu besoin de déambulateur aussi vite. » D’autres : « J’ai arrêté après 9 mois. Mon foie a réagi. Je ne veux pas mourir de la SLA, mais je ne veux pas non plus mourir d’un foie abîmé. »

62 % des patients interrogés continuent le traitement malgré les effets secondaires. Pourquoi ? Parce qu’ils croient qu’il leur donne du temps. 43 % citent « plus de temps avec la famille » comme raison principale. Ce n’est pas une preuve scientifique. C’est une preuve humaine.

La réalité est simple : le riluzole ne sauve pas. Mais il peut donner un peu plus de vie. Et dans la SLA, c’est déjà beaucoup.

Schéma médical transformé en constellations de cœurs et de rivières de lumière, sous une pluie douce dans un jardin.

Comment commencer le traitement ?

Le processus est clair, mais exige une bonne coordination médicale :

  1. Un bilan hépatique complet avant la première prise.
  2. Démarrage à 50 mg par jour pendant 7 jours.
  3. Passage à 50 mg deux fois par jour.
  4. Contrôles sanguins mensuels pendant les 3 premiers mois.
  5. Ensuite, tous les 3 mois, ou si des symptômes apparaissent.
  6. Communication régulière avec le neurologue - même si tout va bien.

Il n’y a pas de moment idéal pour commencer. Plus tôt, mieux c’est. Mais même si la maladie est avancée, le riluzole peut encore apporter un bénéfice. Ce n’est pas une question de « trop tard » - c’est une question de « encore possible ».

Accès et coût

Le riluzole est disponible dans la plupart des pays développés. Mais son coût reste un obstacle. Dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, seulement 15 à 20 % des patients y ont accès sans aide financière. En France, il est remboursé à 100 %. Aux États-Unis, le prix annuel peut dépasser 100 000 dollars - même avec une assurance, les patients paient souvent des centaines de dollars par mois.

Les formes génériques existent, mais les nouvelles formulations (film, suspension) sont encore protégées par des brevets. Les associations de patients aident souvent à négocier des aides. Il ne faut jamais hésiter à demander.

Que faire si le riluzole ne convient pas ?

Si les effets secondaires sont intolérables, ou si les enzymes hépatiques montent trop haut, on arrête. Ce n’est pas un échec. C’est une décision médicale. Il existe d’autres options, comme edaravone ou des traitements symptomatiques pour soulager la fatigue, les crampes ou la salivation excessive.

Le riluzole n’est pas la seule arme. Mais c’est la première. Et pour beaucoup, c’est encore la plus accessible.

Commentaires (1)

  • Clementine McCrowey

    Clementine McCrowey

    Je prends le riluzole depuis 18 mois. J’ai moins de crampes, et je peux encore dire bonjour à mes petits-enfants sans pleurer. C’est pas une cure, mais c’est déjà ça.

    décembre 7, 2025 AT 20:40

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